La convention citoyenne et les états généraux de 1789

Dans une France au bord de la banqueroute, le 24 janvier 1789, le Roi de France convoque les États généraux. Un dispositif exceptionnel qui n’avait pas été mobilisé depuis 1614 et qui réunit les trois corps de la société : le clergé, la noblesse et le tiers état. La manœuvre vise à demander un effort financier aux deux premiers pour renflouer les caisses du royaume.

Dans cet exercice, le peuple entier est appelé à voter pour nommer des électeurs, qui, ensuite sont chargés d’élire leurs 578 députés. Ces députés deviennent les représentants d’un peuple victime de la famine et des injustices récurrentes du système féodal et constituent alors un véritable espoir.

Cependant, dans son discours d’inauguration des États généraux, le roi Louis XVI fait comprendre aux tiers que l qui devra renoncer à certains de ses privilèges et on n’abordera pas les réels sujets qui tourmentent le peuple. Cependant… tout ne se passe pas comme prévu.

En effet, les députés du Tiers état sont placés « ici par la volonté du peuple »¹ et entendent bien répondre à cette soif générale de justice. Ils vont alors largement dépasser le maigre mandat qui leur avait été attribuée jusqu’à même redéfinir les règles de la société toute entière avec la promulgation des droits de l’homme et du citoyen quelques mois plus tard…

Dans une France en pleine crise écologique et sociale, le 25 avril 2019, le président de la République française se retrouve pris dans un jeu de pressions citoyennes qui l’oblige à lancer quelque chose d’inédit : La Convention Citoyenne pour le Climat (CCC).

Le mandat ² est posé, il s’agira de :

« Définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Aux termes de ces travaux, elle adressera publiquement au Gouvernement et au président de la République un rapport faisant état de ses discussions ainsi que l’ensemble des mesures législatives et réglementaires qu’elle aura jugées nécessaires pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle pourra désigner, parmi les mesures législatives, celles dont elle jugerait qu’elles soient soumises à un référendum. »

Ainsi, 5 mois aprés l’annonce du président, 150 citoyens sont tirés au sort et débutent le travail dès le mois d’octobre. Des cycles de formations sont organisés pour permettre aux participants de se mettre au même niveau d’information sur les enjeux abordés puis vient le temps des propositions. Il faudra 9 mois pour que les 149 propositions de la convention soient finalement rendues au président. Mais il n’a pas fallu attendre très longtemps pour entendre les « jokers » et excuses maladroites du pouvoir pour tenter de contourner ses engagements sur les sujets trop divergent de la logique dominante actuelle.

On voit néanmoins les participants de la convention citoyenne pour le climat être présent un peu partout et porter un discours résolument engagé pour continuer les efforts et pousser la mise en oeuvre réelle de leurs propositions.³ Une association a notamment été créée, “les 150”, qui incarne cette poursuite.

Dans ses quelques poussées de romantisme, Michelet parle parfois de « naissance du peuple » dans l’exercice démocratique des élections de 1789. La CCC, qui a été le fruit d’un exercice démocratique poussé avec l’usage du tirage au sort, a surpris par la pertinence et la cohérence globale de ses propositions face aux enjeux environnementaux d’aujourd’hui.

A l’image de l’exercice électoral de 1789 qui a donnée naissance au modèle démocratique, l’exercice de la CCC ne serait-il pas alors la démonstration d’un nouveau modèle de société encore plus juste et plus efficace ?

¹ Référence à la fameuse tirade du Comte de MIRABEAU au marquis de Dreux-Brézé qui vient répété l’ordre du roi à l’assemblée nationale naissance dans la salle du Jeu de paume le 23 juin 1789 : « Allez dire à ceux qui vous ont envoyé que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la puissance des baïonnettes… »

² Lettre de mission CCC

³ Une bonne illustration de mon propos tient dans l’intervention de Guillaume Goursaud dans ce webinar du Shift Project

Autres sources :